Joris Lesueur, l’art de grimper lentement mais sûrement vers l’essentiel !

Elles-ils ont traversé les Alpes et elles-ils racontent...

Il grimpe lentement, mais sûrement. Avec ses triples plateaux, son Colnago d’occasion et une passion chevillée au corps, Joris Lesueur incarne une autre manière de vivre le cyclisme : loin des wattmètres et des chronos, plus proche des cimes et des récits.

Fondateur du site alpes4ever, devenu référence parmi les amateurs d’ascensions alpines, il a déjà gravi plus de 400 cols, dont 30 au-dessus de 2000 m, avec la patience d’un collectionneur et l’enthousiasme d’un conteur.

Humble, méthodique, curieux, Joris est un « cycliste ordinaire » devenu personnage à part entière de la grande famille de la Route des Grandes Alpes®, qu’il a si bien décrite et réalisée en 2023. Il roule souvent seul, mais ne pédale jamais dans le vide : ses traces nourrissent l’inspiration de tous ceux qui rêvent d’aller plus haut.

col de la croix de fer

Peux-tu te présenter ?

Je m'appelle Joris Lesueur, j’ai 53 ans, je suis marié et père de deux enfants. Je vis à Dijon, en Côte-d'Or, où je travaille dans une agence de communication.

Quand et comment es-tu venu au vélo ?

J’ai commencé à faire du « vrai » vélo à 29 ans, ce qui est un peu tard. Avant, je jouais au basket, mais une petite blessure m’a poussé à changer d’activité. J’aimais bien regarder le Tour de France à la télé, et une étape au Mont Ventoux m’a particulièrement marqué. Je me suis dit : « Il faut que je grimpe ce col ». C’est comme ça que tout a commencé.

Ma première ascension a donc été… le Mont Ventoux ! Mais j’ai dû m’arrêter avant le sommet : je n’étais pas assez entraîné. Un an plus tard, je réussissais quand même à gravir l’Alpe d’Huez. Et enfin, l’année suivante, mon premier col a été… le col du Galibier.

 

Chaque montée est unique !

Quels sont tes plus beaux souvenirs ou exploits à vélo ?

Le plus beau, sans hésitation, c’est la Route des Grandes Alpes® : 700 km, plus de 15 000 m de dénivelé, des cols mythiques comme le Galibier, l’Iseran, l’Izoard. Enchaîner ces cols jour après jour, c’était à la fois un défi physique et une vraie aventure.

Sinon, chaque montée est une expérience unique : les cols bien sûr, mais aussi les montées sèches comme le Mont Ventoux, l’Alpe d’Huez et même les stations. Peu importe le lieu, il y a toujours quelque chose à découvrir.

col des aravis

Comment est né ton site Internet alpes4ever.com ?

En fait j’ai deux sites : https://www.bosses21.com/, dédié aux côtes de la Côte-d'Or, et https://www.alpes4ever.com/, centré sur les cols alpins.

Au début, je trouvais des profils sur Internet, mais souvent imprécis, voire faux. Alors je me suis dit : « Pourquoi ne pas proposer quelque chose de plus détaillé et fiable ? ». Depuis une quinzaine d’années, je réalise mes propres profils, accompagnés de topos pour faire ressentir les particularités de l’ascension : les passages difficiles, les moments plus roulants, les choses à voir, les curiosités à découvrir… C’est ma manière de transmettre ma passion.

Tu ne t’es jamais lassé ?

Non, jamais ! Il y a un petit côté addictif : plus on grimpe de cols, plus on a envie d’en découvrir d’autres. Et comme chaque montée est différente, il y a toujours une nouveauté.

Et les mauvais souvenirs ?

Le plus marquant récemment, c’est l’abandon à 1 km du sommet du Galibier, lors du Brevet des Randonneurs Alpins. Il y avait 4000 m de D+, il s’est mis à pleuvoir à plus de 2000 m et je n’avais plus d’énergie : une vraie galère.

Sinon, le col du Joly, fait avec des crampes et sans vue sur le Mont-Blanc à cause des nuages, m’a aussi marqué. Heureusement, j’y suis retourné depuis : beau temps, super forme, et le Mont-Blanc bien visible !

col de morgins

Tu parles souvent de « revanche » sur certains cols. Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

C’est un truc que je fais régulièrement : revenir sur des cols où ça s’est mal passé, que ce soit à cause de la météo, d’une forme moyenne ou d’un abandon. Par exemple, le col du Joly, la première fois j’avais eu des crampes et aucun panorama, tout était bouché. Je suis retourné l’année suivante et là, grand ciel bleu, super sensations, et le Mont-Blanc bien en face. C’est comme boucler une boucle, repartir avec un bon souvenir au lieu d’une frustration.

Tu roules plutôt seul ?

Oui, presque toujours. J’ai un rythme « diesel » qui me convient, donc je préfère grimper seul pour aller à mon allure. L’objectif, c’est le plaisir et atteindre le sommet.

col des montets

Un rythme diesel qui me convient !

Tu es très précis dans tes profils…

J’essaie ! Je prends des mesures, je calcule les pourcentages, je fais des tableaux… J’arrondis les chiffres (plutôt 9,5 % que 9,3 %), mais je veux être le plus fidèle possible au ressenti du terrain. Bien sûr, je confronte en live ces calculs dès que j’en ai l’occasion !

As-tu une volonté de transmettre ?

Oui, je m’adresse avant tout à des cyclistes ou des passionnés de montagne. J’aime partager à la fois l’aspect technique des profils et le récit de mes sorties. Je ne vise pas les compétiteurs, mais ceux qui aiment vivre une aventure, tranquillement, avec plaisir.

colombiere

Tu te définis comme un chasseur de cols ?

Absolument ! C’est l’essence de mes parcours. Chaque col est un objectif, une découverte. On grimpe, on découvre un versant, puis on bascule de l’autre côté vers un nouveau paysage. C’est magique.

 

Comme une collection de timbres !

Peut-on parler d’une passion de collectionneur ?

Exactement. Je dis souvent que c’est comme faire une collection de timbres, sauf qu’ici, ce sont des cols ! Il y a ce petit frisson à chaque fois qu’on coche un nouveau nom sur la liste, ce plaisir d’avoir « complété une zone » comme le massif du Chablais ou une série de cols à plus de 2000 m. C’est une démarche très personnelle, presque intime.

Je sais que je n’en ferai jamais le tour complet, mais le chemin est aussi précieux que l’objectif. Et chaque col a son cachet, sa petite histoire… comme un timbre rare au fond d’un album.

col du sanetsch

Comment prévois-tu ton été ?

Je roule toute l’année (environ 6000 km et 60 000 m de D+). En janvier, je commence à réfléchir à mes objectifs estivaux. Je prépare tout des mois à l’avance : parcours, cols, étapes. J’organise souvent un petit roadtrip solo et pendant les vacances, je prévois chaque sortie.

Tu es très organisé dans ta façon de planifier tes sorties. C’est important pour toi ?

Oui, énormément. Je passe parfois jusqu’à six mois à préparer mes parcours d’été. Dès janvier, je commence à repérer les cols que je n’ai pas encore faits, je trace les boucles en fonction de ma base de départ, j’optimise l’ordre des ascensions… C’est presque un plaisir en soi, cette phase de cartographie. J’aime presque autant planifier que pédaler.

Et puis ça permet de partir sereinement : tout est prêt, il n’y a plus qu’à grimper.

 

S’équiper pour Route des Grandes Alpes®

 

Quels cols marquants as-tu faits ce dernier été ?

Le barrage d’Émosson, près de Chamonix mais en Suisse, superbe avec son lac. Le col du Sanetsch, toujours en Suisse, très dur et sauvage. Le col de l’Arpettaz, que j’adore pour sa vue sur le Mont-Blanc. Et, encore une fois, le col du Joly, toujours impressionnant.

En tout, une vingtaine de cols cet été, dont plusieurs au-dessus de 2000 m.

col de l arpettaz

Tu as des projets pour 2026 ?

Oui ! Un retour en Suisse, notamment dans la région du lac de Thoune, dans l’Oberland bernois, pour faire des cols que je n’ai pas encore pu grimper à cause d’une météo capricieuse, lors de ma traversée des Alpes suisses l’année dernière.

Tu prends beaucoup de photos ?

Oui, parfois en roulant, parfois en m’arrêtant. J’essaie de bien cadrer, surtout pour les panoramas.

La surfréquentation des cols l’été, ça te gêne ?

Ça peut être pénible. Le col du Télégraphe la veille du 14 juillet lors du BRA, par exemple, c’était l’enfer avec les motos. Heureusement, dès que le temps se gâte, les touristes disparaissent et on retrouve la tranquillité.

fort de tamié

Il te reste encore des cols à faire ?

Parmi les cols routiers français à plus de 2000 m, il me reste le Granon, la Moutière et la Lombarde. Et en dessous de 2000, il y a encore plein de cols moins connus à découvrir.

 

Le Granon et la Lombarde en ligne de mire

Côté matériel, tu es exigeant ?

Je roule avec un Colnago triple plateau acheté d’occasion. Je préfère avoir une grande amplitude de développement plutôt que du matos dernier cri. Le confort et l’efficacité dans les ascensions priment.

Tu bricoles toi-même ton vélo ?

Non, je préfère le confier à des pros. Je n’ai pas le temps, et je veux que ce soit bien fait. La sécurité n’a pas de prix !

montee ajon

Avec modestie, tu dis souvent que tu n’as pas de « grandes aptitudes physiques ». Comment tu vis ça ?

Je grimpe lentement, mais sûrement. Je n’ai pas le profil du cycliste explosif, donc j’ai appris à écouter mon corps et à respecter mon rythme. Je monte avec un triple plateau, à mon allure, sans chercher à me comparer. Le but, c’est de me faire plaisir, pas de battre des records.

Et c’est aussi pour ça que je roule souvent seul : pour ne pas être en décalage avec d’autres. Ça me permet de mieux profiter du paysage et de l’instant.

 

À mon allure, avec un triple plateau

col de la forclaz

Qu’est-ce qui te gêne le plus dans les ascensions ?

La chaleur que je gère très mal. C’est ce qui me fait le plus souffrir à vélo. Même si mon cardio va bien, la chaleur me pompe toute mon énergie.

Pour conclure ?

Le vélo, c’est ma passion. J’en fais toute l’année, du premier janvier au 31 décembre, y compris en vélotaf. C’est un moyen d’évasion, de découverte, de voyage, de rencontres. Une vraie philosophie de vie !